M : Alors Quentin, dis-nous en un peu plus sur toi. 

Je suis un garçon du pays. J’ai grandi en province de Namur avec juste l’envie de faire quelque chose de bien, et d’évènement en évènement, je me retrouve en Chine à travailler sur des films d’animations. En quelques mots, un Namurois passionné et de nature aventurière. Cela fait bientôt 6 ans que je travaille dans le milieu. Après « la Mécanique du Cœur », « Astérix », et récemment, avec quelques pionniers de Dreamworks animation, j’ai travaillé sur « Duck Duck Goose » en Chine, je continue sur ma lancée, encore et toujours, sur des films d’animations autant que je peux.

M : Si tu devais te décrire en 3 mots ?

Question difficile mais à priori je dirais passionné, optimiste et curieux.

M : Quel est ton parcours scolaire?

Après des études générales en sciences sociales, un travail de fin d’études sur la publicité, des designs de flyers et posters comme source d’argent de poche, j’ai rejoint la Haute École Albert Jacquard où je pensais finir en Communication Graphique et Publicitaire.  Mais finalement, après avoir gouté au cours de 3D, qui m’a rappelé combien j’aimais faire des animations hyper cheap lorsque mon seul hobby était de faire des fan-films Star Wars, j’ai directement accroché et plongé tête la première dans la piscine à polygones.

C’est devenu assez naturel pour moi et j’ai travaillé dur en section Animation 3D, en stage sur “Mr Hublot” au Luxembourg chez Zeilt Production ou encore sur notre court métrage de fin d’études. Tout ça pour finir avec un diplôme et passionné comme jamais. Mais deux semaines après avoir reçu mon diplôme, je n’avais pas encore décroché de taf et impatient comme je suis, j’ai directement pensé que j’étais sous-qualifié. J’ai donc commencé une formation en motion design au CEPEGRA. Mauvaise décision car je n’ai pas appris grand-chose de plus que je savais déjà, mais du coup j’ai passé mon temps à envoyer des masses de CV et apprendre un max de techniques par moi-même. Tout ça pour finalement recevoir en janvier une entrevue chez Walking the Dog à Bruxelles pour commencer à travailler sur « la Mécanique du Cœur » de Mathias Malzieu.

M : Qu’est-ce qui t’a le plus marqué à l’école?

J’ai vraiment été surpris tout au long de mes études par la diversité des élèves. Je veux dire par là que tout le monde venait de partout, de tous les milieux, de tous les styles, peut-être pas de tous les pays, mais pour un Namurois qui était encore loin de voyager autant que maintenant, ça me surprenait de voir des Français du sud ou du Ch’Nord venir dans ce que je m’imaginais être une modeste école de 3D, dans une modeste ville de la toute petite Belgique. Cette diversité a permis, je pense, de donner une grande palette de travaux plus riches les uns que les autres.

M : Un professeur t’a spécialement marqué? Pourquoi?

Sans hésitation, Luc Warnant. Pourquoi ? La passion et encore la passion. Je n’ai jamais eu l’impression d’être avec un professeur mais bien avec un mentor qui partageait sa passion en plus de ses connaissances. Je me rappellerai toujours ce premier cours avec lui. Il a passé les deux heures de cours à parler individuellement avec chacun de nous pour savoir ce qui nous avait poussés à venir en 3D et ce qui nous motivait à poursuivre. Je remercie encore Luc d’entretenir, avant tout, la passion et ensuite la connaissance auprès de nous. Je pense qu’on réalise de plus grandes choses avec beaucoup de passion et peu de connaissances, qu’avec beaucoup de connaissances et peu de passion.

M : Quelles sont les difficultés auxquelles tu as été confronté durant tes études et après?

Je dirais que je n’étais pas super motivé par les cours théoriques : droits d’auteur, logique, math etc. Après coup, je regrette de ne pas m’être « self-botté » les fesses pour connaitre plus de programmation, cela me parait essentiel aujourd’hui. Que ce soit pour développer des tools mais aussi pour développer son esprit et être d’autant plus efficace.

M : Dirais-tu que la HEAJ t’a bien préparé au marché du travail?

Je ne sais pas ce qu’il en est maintenant, mais à l’époque pas vraiment. On travaillait sur 3ds Max et la plupart des techniques nécessaires pour produire notre court métrage, on les trouvait sur internet et en explosant notre forfait internet à télécharger un max de tutoriels. Mais je pense qu’aucune école ne peut préparer réellement au marché du travail. Les stages à l’inverse, ça oui, c’est un boost dans les études et surtout ça donne un véritable goût de la vie professionnelle. Quand un studio lit un CV, à moins que l’école ne soit extra prestigieuse, et encore, on regarde avant tout l’expérience.

M : Où travailles-tu actuellement? Que fais-tu au quotidien?

En ce moment je suis à Pékin, je travaille sur la conception des décors d’un nouveau film d’animations prévu pour 2019. Tous les jours je me sers mon café et je parle des dernières rumeurs avec la secrétaire du 3ème étage ! (rires)

Non plus sérieusement, je me sers mon café, puis je suis accroché à mon bureau et je crée, via toutes les techniques imaginables, les environnements du film. Je cours également entre les différents départements pour m’assurer de la bonne compatibilité technique et artistique des éléments que nous créons afin d’avoir la meilleure qualité possible, le tout en m’assurant de donner tout le matériel possible aux différents départements, histoire d’avoir un film nickel sous tous les angles. Et ça passe parfois par la case développement et tester des outils et se casser les dents sur beaucoup de choses qui ne marchent pas. Le département environnement couvre énormément de choses. Sur ce film, je suis responsable d’une équipe qui gère modélisation, texturing, shading et simulations atmosphériques (s’il y a du vent) de tous les éléments organiques qui constituent les décors, mais également l’assemblage des décors séquence par séquence et shot par shot. C’est beaucoup de taf et beaucoup de variables dans l’équation à prendre en compte. Du coup, à la fin de la journée, tu finis claqué, avec ton café froid, parce que tu n’as pas eu le temps de le boire. Mais surtout tu finis ta journée avec un sentiment d’accomplissement et la fierté de produire un film d’animations avec une équipe de talents, plus motivés les uns les autres.

M : Est-ce que ton métier te plait? Quels sont ses atouts selon toi?

J’adore mon boulot, tellement que je n’appellerais pas ça un boulot. On est clairement payé pour notre passion. Avec beaucoup d’atouts, on ne voit plus les choses de la même façon, on devient encore plus observateur qu’on ne l’était. A chaque instant, on tente d’observer et comprendre ce qui nous entoure pour mieux le reproduire.

M : Comment te vois-tu dans 10 ans ?

Ouf, dans 10 ans ? Tellement de choses ont changé en 6 ans, je ne parierais pas sur 10 ans mais si je voulais vraiment me fixer un objectif, je dirais que j’aimerais enseigner. Ce boulot est passionnant car on apprend tous les jours. Et je pense que le partager est encore mieux ! Mais si j’ai encore la chance de travailler sur des films d’animations, j’espère diriger mon propre film. Dans les deux cas, je veux raconter et tenter d’apprendre une chose ou deux à qui voudra.

M : Un conseil pour les étudiants actuels?

Laissez-vous pousser par ce que vous aimez, ne tombez pas dans le conformisme. Si vous pouvez apprendre en créant quelque chose qui vous tient à cœur, vous n’aurez jamais besoin de vous forcer.

Et surtout, restez curieux, quoi qu’il arrive !

M : Ton souvenir le plus marquant à la HEAJ?

Le court métrage, c’était une expérience incroyable que j’adorerais reproduire. Ce sentiment de créer quelque chose à partir de rien et ensuite, le voir projeté devant un public qui réagit à ce que nous avons créé… C’est magique ! On en oublierait presque qu’on est noté.

M : Sur une échelle de 1 à 10, où tu te situerais en termes de bizarrerie?

15 ?  Dans le sens où tout est si loin de ce que j’aurais pu imaginer. Je suis en Chine, et je travaille sur des films d’animations. Je n’aurai jamais cru quelqu’un qui m’aurait dit cela au début de mes études.

M : Et enfin, as-tu une devise?

Chaque jour est l’occasion d’apprendre, ou d’enseigner quelque chose.