D’Urso Michel – 34 ans – Digital Manager Captain

M : Alors Michel, dis-nous en un peu plus sur toi.

C’est toujours difficile de se définir en choisissant les bons mots. La meilleure façon de répondre à cette question est de le demander à ma fille de 5 ans.

Elle m’a répondu : « Tu aimes les licornes, les pâquerettes, les voyages et maman. Tu sais attraper les mouches avec ta main. Et tu n’aimes pas les méchants, les dragons, les loups et Jack ».

C’est assez pertinent comme analyse de ma personnalité. Je nuance en précisant que j’apprécie les loups lorsqu’ils ne dévorent pas les humains et concernant Jack (notre chat), il ne sait juste pas contrôler son agressivité et ses émotions, mais d’un côté ça le rend attachant.

Voilà, vous connaissez toute ma vie.

M : Quel est ton parcours scolaire ?

Assez classique. J’ai fait mes études secondaires au Collège Saint-André d’Auvelais en option « Art et Expression ». J’ai ensuite suivi les études en Infographie à la HEAJ (option web) avant de faire une spécialisation de 2 ans en Marketing à l’IFAPME de Liège.

M : Qu’est-ce qui t’a le plus marqué à l’école ?

Faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux”. Ça ferait une bonne devise pour l’école.

Grâce à la HEAJ, j’ai enfin été en phase avec le système scolaire. En secondaire, lorsque vous sortez de la norme, on vous le reproche, on vous demande de rester dans le moule, ne surtout pas être différent. À la Haute École Albert Jacquard, j’ai toujours senti qu’on donnait l’occasion aux étudiants d’exploiter leurs forces tout en maintenant une certaine légèreté essentielle au plaisir.

Les points forts de l’école étaient clairement les compétences très élevées de certains professeurs, le matériel mis à notre disposition, l’ambiance entre les élèves/profs, la diversité et le contenu de plusieurs cours. Actuellement, la réputation de l’école reste excellente. Je pense même que le niveau des profs de l’option web semble encore plus élevé qu’avant.

Le point faible était le manque d’organisation générale. Il y avait régulièrement des soucis au niveau de la communication interne mais je suis vieux, c’était il y a 15 ans. J’imagine que ce point est désormais réglé ?

M : Un professeur t’a spécialement marqué ? Pourquoi ?

Sans hésiter : Mr E.F (nombreux sont ceux qui le reconnaitront) , parce qu’il venait en slash à l’école et qu’il imite super bien le brame du cerf.

Oui ok, pas juste pour ça (même si c’est quand même génial). En fait, pour bien comprendre, c’est l’exemple type du prof passionné, inspirant et bourré de talent dans son domaine. C’est un génie qui n’est pas conscient de ses pouvoirs et qui arrive à coder rapidement l’impossible.

Si je bosse dans le web, c’est en partie pour collaborer avec des personnes comme lui. Pour ceux et celles qui ne le connaissent pas, la meilleure façon de le présenter est d’imaginer un savant mélange entre John Keating, Raphaël Mezrahi, Boris Vian, Orelsan, Steve Wozniak, Salvador Dalí, Richard David James et Noël Godin… Et un mérou. Ça donne Mr E. F. Un professeur resté bloqué dans le mouvement surréaliste.

C’est en le rencontrant que je me suis rendu compte que je n’étais pas obligé de grandir pour devenir adulte.

Bon par contre, fallait pas s’attendre à énormément de pédagogie avec lui (oui, faut pas non plus exagérer) mais sans le savoir, il nous apprenait également à être autodidactes et débrouillards, des « softs skills » essentiels dans notre métier.

M : Quelles sont les difficultés auxquelles tu as été confronté durant tes études et après ?

Je pense que les points les plus complexes étaient de gérer un planning des différents travaux, tout en anticipant les problèmes, les bugs avec IE6 (seul.e.s les plus ancien.ne.s comprendront), les sorties au bunker et l’apprentissage des nouvelles technologies.

Et finalement, si je compare avec la situation actuelle, ça ne change pas énormément (en remplaçant juste les sorties au bunker par les visites aux grottes de Han).

M : Dirais-tu que la HEAJ t’a bien préparé au marché du travail ?

Je suis devenu chef de projet à la fin de mes études et mes années à la HEAJ ont toujours été un point fort dans mon quotidien. Je pouvais conseiller mes clients en fonction de mes compétences graphiques et techniques.

Le stage en 3ème est le moment le plus important du parcours scolaire. En 3 mois, on apprend plus sur le marché du travail qu’en 3 ans.

La HEAJ permet d’avoir une vue globale sur le métier du web. Après, à chaque élève de prendre en main son apprentissage autodidacte. On est dans un monde qui change tellement vite que le rôle de l’école est de donner toutes les clés mais c’est à l’élève de les utiliser correctement.

M : Où travailles-tu actuellement ? Que fais-tu au quotidien ?

J’ai actuellement 3 casquettes :

  • Depuis 2012, je suis manager (je déteste ce mot) du département digital chez Expansion (agence de marketing et de communication).
  • Je suis également « Foreign Trade Expert (digital marketing) accredited by AWEX ». C’est toujours bien de placer une fonction un peu complexe en anglais dans une présentation. Ça vous donne l’air important.
  • Et enfin depuis novembre, j’ai lancé webup.be avec 4 associés. On a développé un produit et une méthodologie qui permettent d’automatiser 7 étapes sur 10 dans la création de sites Internet. Grâce à cela, le client n’est pas beaucoup impliqué dans la création de son site et il peut se concentrer sur son business. Le résultat est performant (en acquisition et conversion), pour un bon rapport qualité-prix et en un minimum de temps. C’est la solution « all-in » idéale pour les indépendants et PMEs. C’est en tout cas notre objectif. Et ça marche vraiment bien en fait.

 

Concrètement au niveau de mon quotidien, mon rôle se divise donc en 3 :

  • Digital Manager (je déteste ce mot) chez Expansion : Je dois trouver des solutions aux problèmes rencontrés tout en maintenant le sourire sur le visage de ma superbe équipe. En d’autres termes, cela va de la défense d’offres à la fidélisation des clients en passant par la supervision des projets et aux lancements de boulettes de papier mouillé sur mes collègues.
  • Foreign Trade Expert (digital marketing) : Je dois trouver le meilleur moyen d’amener des visiteurs qualifiés sur les sites de nos clients. Je crée et mets en place des actions pour améliorer l’acquisition, la conversion et la fidélisation à l’export.
  • Fondateur de Webup : Je dois trouver le moyen de maintenir sur le marché la meilleure solution web « all-in » pour les indépendants et les PMEs.

 M : Quel est ton plus beau souvenir professionnel ?

Vu mon « Wanderlust gene », je citerai l’invitation de Google à San Francisco et le « Nestin » à Montréal.

Pour Google, on était 500 personnes de plus de 50 pays dans le monde à être invités par la société en 2015. Au programme : conférences, visites des locaux, échanges avec les employés et soirées. C’était très enrichissant de discuter « web » durant plusieurs jours avec des cultures différentes.

Concernant le Nestin à Montréal, c’était une expérience intensive de six jours dédiée à des entrepreneurs : ateliers pratiques, conférences et visites de terrain étaient organisés en compagnie d’experts et d’autres porteurs de projets. Webup a été sélectionné pour y participer. C’était une magnifique expérience humaine.

Et de manière plus « ordinaire », le fait d’avoir construit une équipe soudée qui se donne à fond pour réaliser du bon travail tout en s’amusant un maximum. Finalement, c’est peut-être le point le moins ordinaire et le plus fantastique de ma carrière.

M : Est-ce que ton métier te plait ?

Le fait de choisir un métier lié aux gens et à une passion ne peut être que positif. Le métier de digital manager (je déteste ce mot) est donc génial si vous êtes passionnés par les gens et par le web.

Après, on ne vit pas dans un monde de bisounours donc c’est également important de nuancer la réponse ? Toutes les personnes qui bossent en agence vous diront que les points liés aux plannings, attentes du client, budgets, évolutions technologiques ou encore les heures excessives sont complexes à gérer.

Ce qui est particulier dans le métier d’agence, c’est que les points positifs sont liés aux points négatifs. Le fait d’avoir un métier très prenant vous apporte également beaucoup d’adrénaline. Le fait d’avoir du stress est également motivant. Et la pression du métier est de toute façon atténuée lorsque vous recevez un élastique dans la figure envoyé par un collègue.

M : Quels sont ses atouts selon toi ?

Il y a de nombreux atouts. Dans quel autre métier est-il possible de jouer au kicker avec un client, avoir une fresque murale dans le bâtiment montrant Walter “Heisenberg” White, passer des journées/soirées mémorables avec ses collègues, mélanger le mot passion et métier, ne pas voir les heures passer, mettre en ligne un site performant qui va faire grandir le client, voir le responsable financier danser sur une table avant de se fracasser la tête par terre et continuer à apprendre, même après 15 ans de carrière ? Je ne connais pas beaucoup d’autres métiers qui répondent à cette liste.

Enfin, concernant la fonction de manager (je déteste ce mot), c’est très valorisant de voir des clients satisfaits, de transmettre mon expérience à mes collègues, de contribuer à leur évolution et à leur bien-être au travail.

M : Mais pourquoi détestes-tu le mot « Manager » ? ?

Les gens n’ont pas besoin de manager. Ce mot signifie « une personne qui dirige ou une personne qui gère la vie professionnelle de quelqu’un ».

Plus personne ne veut ça… ? Les gens ont essentiellement besoin d’un leader, d’apprendre tous les jours, d’attention, d’évolution, de feedback régulier, d’objectifs atteignables et clairs, d’entraide, d’empathie et de responsabilités. Et de l’Orval. Bref, du management participatif.

M : Comment te vois-tu dans 10 ans ?

À un festival de musique rock avec une affiche des années 90, dans un camping car, avec nos enfants et ceux de mes amis. Tout ça depuis un fauteuil de mon salon, avec un casque de réalité virtuelle sur la tête.

Et si la question avait un angle professionnel, je dirais toujours à la tête de Webup avec des employés heureux et fiers de se lever tous les matins pour bosser pour des chouettes clients.

M : Un conseil pour les étudiants actuels ?

Je répète souvent à mon équipe que l’important est de faire de son mieux et ne pas avoir de regret. Donnez tout ce que vous pouvez et aimez surtout ce que vous faites.

Soyez curieux.ses, soyez passionné.e.s et aidez vos potes dans leurs projets comme vous aimeriez qu’on vous aide.

Au niveau du web, ne restez pas généralistes, spécialisez-vous dans le domaine qui vous excite le plus. Et allez-y à fond.

Je pense également à 7 citations qui m’aident au quotidien depuis 2012. Elles s’appliquent bien à la fonction de manager (je déteste ce mot) et au métier du web :

  1. Si quelqu’un vous offre une opportunité incroyable, mais que vous n’êtes pas sûr de pouvoir le faire, dites oui – alors, apprenez comment le faire plus tard.
  2. Dès que quelque chose cesse d’être amusant, je pense qu’il est temps de passer à autre chose. La vie est trop courte pour être malheureux. Se réveiller stressé et misérable n’est pas une bonne façon de vivre.
  3. J’ai toujours cru que la façon dont vous traitez vos employés est la façon dont ils traitent vos clients, et que les gens s’épanouissent lorsqu’ils sont félicités.
  4. Le courage, il faut en avoir pour se lever et parler, mais il faut aussi en avoir pour s’asseoir et écouter.
  5. Ne sois pas gêné par tes échecs, apprends d’eux et recommence.
  6. Vous n’apprenez pas à marcher en suivant les règles, vous apprenez en faisant et en tombant.
  7. Le respect est la façon de traiter tout le monde, pas seulement ceux que vous voulez impressionner.

Toutes ces phrases ont été citées par un grand blond assez doué en création d’entreprises et en management. (Et ce n’est pas Patrick Juvet)

M : Ton souvenir le plus marquant à la HEAJ ?

Difficile de lister un seul souvenir, 3 ans à la HEAJ c’est une sorte de kaléidocope de beaux souvenirs particuliers dans une vie.

J’ai tout de suite pensé à 2 moments :

  • Le tout début, les premiers jours. Cette énergie positive de milliers d’élèves dans la cour et dans la classe. Les profs talentueux dès la première année et la découverte de nouvelles choses.
  • Le 2ème souvenir qui m’est directement venu à l’esprit, c’est le moment du dernier rendu de mon travail d’animation en cours de typo en 2ème. La première fois où j’ai vraiment été fier d’un de mes jobs.

Je pourrais également citer les travaux de groupes avec Rémy Frenoy (qui est d’ailleurs mon associé chez Webup et responsable du studio dans la même boîte que moi). Oui, quand on y pense, « Michel et Rémy » ça fait un peu agence de com des années 60.

Il y a aussi les moments festifs avec le cercle infographie, les cours théoriques supers intéressants comme « Psychologie de la perception », « Histoire de l’art » et ceux pratiques comme les cours de dessin, design et de développement.

Et enfin, les rushs finaux durant des nuits pour rendre le travail à temps.

M : Sur une échelle de 1 à 10, où tu te situerais en terme de bizarrerie ?

Ça dépend de l’environnement où vous placez cette échelle.

Si je compare ma « bizarrerie » par rapport à mes amis les plus proches, je suis le plus calme et normal. Donc je dirais 1/10 (ou peut-être 2/10 quand j’essaie d’attraper des personnes à des concerts en faisant semblant d’être un pêcheur). Si on compare par contre avec l’environnement professionnel, mes collègues ont répondu que je me situe entre 15 et 20 en fonction de mon humeur.

Mais en même temps, tout le monde se dit « bizarre » donc est-ce que finalement, ce n’est pas la personne qui est normale qui est bizarre ?

M : Décris-toi en 3 mots

Wanderlust, épicurien et grosses joues.

M : Et enfin, as-tu une devise ?

Quand je dis qu’il faut autant apprécier des pâquerettes dans l’herbe qu’une licorne au galop, on ne me comprend pas souvent.

 

Gros kiss (think outside the box)